Still life : nature morte mais la vie malgré tout

Les films, skeuds, lives, teufs, expos, et autres événements culturels dont on a envie de parler, là, tout de suite, ça urge !

Modérateur : drÖne

Répondre
Avatar du membre
LLB
Haut fonctionnaire prussien
Messages : 508
Enregistré le : 06 oct. 2002, 17:14

Still life : nature morte mais la vie malgré tout

Message par LLB »

Voilà, on sort d'une soirée au cinéma, on avait envie d'aller oublier un peu la proximité des élections, besoin de sortir.
On imaginait vaguement un film à paysages avec personnages, Still life, nature morte, photographie, paysage chinois, fleuve et montagne et des gens qui vivent dans le paysage...

Ce film est extraordinaire, la gorge nouée, c'est un monde en démolition parce que bientôt la vallée sera innondée par un gigantesque barrage "rêve des trois dernières générations de dirigeants chinois", rêve précédé par l'achèvement d'un gigantesque pont grâce auquel "le fleuve est dompté", pont inauguré kitsch par un bal pour VIP qui dansent raide et mal sur une terrasse d'où on voit le pont éclairé comme un sapin de Noël mais nulle exaltation, nulle gloire, nulle, nulle.
En attendant l'inondation, on démolit à tour de bras les immeubles et on déplace les habitants.

Dans ce chaos de boue, de béton, de technologie, on suit la quête d'un homme venu chercher sa femme qui l'a quittée il y a longtemps, et d'une femme venu dire quelque chose à son mari qu'elle n'a pas revu depuis deux ans. Dérisoires, et infimes dans l'immensité du chantier, du fleuve, des changements en cours, ils se consacrent quand même à ces choses sans aucune importance à l'échelle des grandes mutations : le lien, retrouver, raviver l'amour perdu, chercher une fille, se rappeler un parent, montrer la photo d'un proche, attendre un mari. Ils se cherchent mais se trouvent difficilement, entre les déplacements, le boulot, les téléphones portables dans la main toujours, talisman presque, comme c'est vrai, moi aussi pareil.

Ce qui se passe dans ce film, c'est ce qui se passe pour nous tous les hommes : le monde est en démolition pour les Grands Travaux dont on ne sait plus qui les décide ou les organise : il n'est jamais fait mention de tel régime politique, de telle instance de décision. Juste des directeurs subalternes fuyant les récriminations des victimes et broyés qui savent cependant déjà que ceux-là ne peuvent rien pour eux. Non les Grands Travaux, les Gros Oeuvres, domptage de la nature et technologies ne changent pas d'un iota la vie des pions humains, elle les écrase. Ce qui les fait vivre, c'est, bien encore et toujours, l'Amour et la Culture.

Mais l'amour est difficile entre déracinés permanents, liens eux-mêmes achetés ou vendus, travail les sentiments sont durs à réveiller dans le zapping glacial de la mobilité et des remous, et la culture, la culture est salvatrice, source vivifiante de liens entre générations, entre inconnus, mais la culture, c'est des images de sites naturels sur les billets de banques, les mélodies sur les sonneries de portable, des vagues images à la télévision, des game boys. Tout est atroce et bouleversant dans le film parce qu'il n'y a pas le moindre cliché de recomposition de rapports sociaux avec hiérarchies, rapports de force, type banlieue et monde en décomposition : ça n'intéresse par le réalisateur, il ne s'intéresse qu'aux gens les plus invisibles ordinaires pas même avec folklore de l'ordinaire : pas de personnalités potentiellement fortes, agréablement suggérées sous le vernis de l'ordinaire. Les personnages ne sont ni sympathiques ni antipathiques mais ils ne jouent pas à être ni sympathiques ni antipathiques, ils sont occupés à leurs vies et dans le contexte où ils sont, il n'y a rien pour les embellir, les héroïser, les mettre en musique, dans le contexte, nous ne sommes pas embellis par les Institutions, la Culture, nous sommes petits et agités sur fond de chaos techniques et de nature insultée.
Les broyés pas même malheureux car occupés à ramer dans les remous de la vie pour trouver le parent ou le cherché. Le film est extraordinaire parce qu'il rencontre et exprime tellement mieux qu'on ne pourrait jamais le faire, ce qui apparaît dans ld'obscures recherches sociologiques enfouies dans l'excès de productions : les gens vivants et confiants dans leurs attachements, mais cette simple condition essentielle est noyée dans le vacarme kitsh de ce sur quoi tous les projecteurs sont braqués en permanence avec accompagnement sonore permanent de commentaires : calculs, stratégies et communication professionnelle.

Dans ce film pas de nostalgie d'âges anciens car la nostalgie est toute entière captée par des failles qui s'ouvrent à l'échelle d'une vie, de dix ans, de deux ans. Et quand à la fin un homme, entreprend rle projet héroïque d'avoir un projet , celui de racheter sa femme, et qu'il se donne un an pour le faire, on sent, on sait parce qu'on le vie tous les jours désormais, qu'un an c'est énorme, énorme dans un monde en mutations de Grands Oeuvres, et qu'il n'est pas certain qu'il y arrivera à tenir un an. Ce n'est pas la Chine, c'est l'humanité, celle du bateau des premières images, pleine de monde qui vaque sur le pont, tous entassés et tous occupés à des choses domestiques et calmes, ce bateau est finalement le seul foyer stable pour tous avant le choc et l'errance de l'arrivée. Un super film.
Le Lion Bleuflorophage
Avatar du membre
Surimi death camp
djeunz of ze room
Messages : 16
Enregistré le : 29 avr. 2007, 23:21

Message par Surimi death camp »

Vu hier, il est bien terrible, autant plaisirs inconnus (non ce n' est pas un porno des annés 1970) m' avait un peu laissé de marbre en s' attachant plus au personnages, là Jia Zhang Ke nous offre une vision aussi particulière que terrible de la Chine.

A voir aussi de Platform du même realisateur
Hiver 1979, une troupe théâtrale se produit dans la province du Fenyang. Printemps 1980, un vent nouveau semble souffler sur les représentations artistiques de la troupe. Un vent venu de l'Ouest où se mêlent pop édulcorée et cheveux colorés. Le scénario se perd dans des longueurs infinies sans s'attacher vraiment à ses personnages qui représentent pourtant la force de ce film. Le cadre lent et obstructeur, la lumière fade et réaliste ne permettent pas d'apprécier le bout d'histoire de cette troupe sur fond de désillusion révolutionnaire qui aurait pu rendre ce film intéressant. Pas plus que le constat de la situation de la Chine au début des années 80 dressé au moment où l'occidentalisation commençait à pénétrer la culture des Chinois. Il nous en reste une âpre sensation d'ennui et d'inutilité.


L' affiche en dit long :
Image
Répondre