abattoir

Ecriture, écritures : en solo ou en collectif, ici on aime lire et écrire.

Modérateur : drÖne

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konsstrukt
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abattoir

Message par konsstrukt »

la chevrotine a découpé les entrailles de claude maffre
des boyaux il y en a partout
les fleurs sont irrécupérables
même les arbres sont aspergés de sang et de bouts de tripes mais ça se voit moins
je laisse tomber les fleurs que je tiens à la main
ce sont des fleurs rouges
ce sont pas les même fleurs que celles où claude maffre est tombé mort
je me souviens pas avoir entendu de coup de fusil mais en cette saison les coups de fusil on y fait pas des masses attention
je me dis vaut mieux que je parle de ça à personne
qu’ils se démerdent entre eux les maffre et les gardiol
moi c’est pas mon problème ces histoires
je me dis j’ai qu’à aller ailleurs dans la forêt en chercher des fleurs jaunes mathilde de toute façon elle y verra que du feu
claude maffre est étendu sur le dos
les reins sont cisaillés et plein de sang
il a la gueule dans les fleurs jaunes
je le reconnais parce que je reconnais son tatouage sur la main
il a la main ouverte et les doigts écartés comme s’il voulait cueillir des fleurs
je vois les croix entre ses doigts trois croix une entre l’index et le majeur et une entre le majeur et l’annulaire et une entre l’annulaire et le petit doigt
et aussi les trois points mort aux vaches sur la paume de l’autre main
des tatouages de taulards
claude maffre il a fait de la taule mais il aimait pas en parler et je me dis que maintenant il en parlera plus jamais
j’ai encore mes fleurs à la main je me dis tiens je croyais que je les avais lâchées
je regarde autour de moi
je me tire je crois que je vais rentrer chez moi et tant pis pour mathilde j’aurais qu’à lui téléphoner et lui dire que je suis malade
en tout cas les maffre et les gardiol qu’ils se démerdent avec leurs histoires moi je veux rien avoir à foutre avec tout ça
konsstrukt
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Message par konsstrukt »

il est cinq heures vingt-neuf
j’entends une respiration
c’est elle
et puis je me réveille
j’ai froid
j’ai rêvé de ma mère – elle hurlait – je la foutais à la porte
j’ai sommeil
je ne pourrais plus dormir
encore trois heures à tirer
je me lève
j’ai froid
je m’habille – les habits d’hier – entassés au sol – ils sentent la transpiration
je sors de la chambre
je suis dans le canapé
j’allume la télé – de la neige – ça ne marche pas – sur toutes les chaînes – de la neige
j’éteins la télé
je reste assis sur le canapé
il n’y a pas de bruit
à un moment une voiture démarre
le soleil se lève – d’abord lentement – et puis plus vite
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Message par konsstrukt »

mon patron avait un truc au visage – une espèce de maladie de peau
tous mes collègues étaient absents – j’étais seul dans le bureau
je me suis senti seul
j’ai travaillé
je n’ai pas été manger
dans l’après-midi mon patron est venu me voir
il m’a proposé un café
à la machine à café nous étions seuls
il me parlait en grattant ses boutons – il grattait sans s’en rendre compte –
les minutes passent lentement
je me fais chier
il fait chaud
je regarde dehors
la lumière est froide
dehors c’est le silence
je transpire
je suis moite
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Message par konsstrukt »

je suis dans le pâté
putain la gueule de bois – la bouche collée
la vache
je suis où
la vue encore brouillée
je me redresse – merde je suis à poil – tout tourne
merde –
merde je suis à poil
ça se stabilise sur une chambre que je ne reconnais pas
je me touche la chatte
je n’ai pas de sperme
c’est déjà ça
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Message par konsstrukt »

je marche au milieu d’une rue piétonne blindée de monde
la rue est bordée de vitrines – je jette un œil – des fringues – des bijoux – des meubles – mais surtout des fringues des fringues des fringues – pour tous les styles – et tous les gens qui se baladent avec au moins un sac marqué du logo d’un magasin – ça dégoûte un peu
depuis combien de temps j’ai pas fait ça moi – entrer dans un magasin genre jennyfer ou mango – claquer cent euros – ressortir
dans ma poche il y a quinze euros à tout casser – et au moins trois euros en pièces rouges
depuis an – au moins un an
ils sont cools mes parents de m’envoyer du blé quand vraiment ça va pas
je passe devant un kébab
j’ai pas très faim
je commande quand même un falafel
je le bouffe assise sur un banc
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Message par konsstrukt »

quand j’arrive au foyer j’ai vingt clopes d’avances
pour fêter ça j’allume une camel
je passe devant le bâtiment administratif et le réfectoire
ce sont les seuls bâtiments en dur – le reste c’est du préfabriqué
la clio de la directrice est garée devant le bâtiment
j’espère qu’elle m’a pas captée j’ai pas envie de la voir cette vieille connasse
je longe les dortoirs a b et c
au bâtiment c je dis bonjour à malika qui fume à la fenêtre
elle a l’air a peine réveillée
elle est enceinte – elle passe ses nuits à tirer des bangs avec son mec qui est dans un autre foyer
j’entre dans le bâtiment d
je dépasse les toilettes et les douches
j’ouvre la porte de ma chambre
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Message par konsstrukt »

devant moi la chaîne de montage est comme hier
je fais toujours la même chose
on fabrique des chaussures à talon aiguille
moi j’assemble le talon et son embout
le talon m’arrive nu et je dois coller dessus l’embout
il m’arrive un talon toutes les deux secondes
à la fin de la journée j’ai contribué à fabriquer sept mille deux cent paires de chaussures
quand j’aurais cinquante ans ça fera quarante millionsde paires de chaussures

***

SOIREE DE LANCEMENT DE LA REVUE FREAKWAVE LE 22 MARS AU POINT EPHEMERE :

pour télécharger le carton d'invitation, cliquer ici :
http://storage.canalblog.com/88/17/25739/22802980.pdf
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Message par konsstrukt »

je veux qu’on me frappe
je veux qu’on m’enfonce des trucs dans le cul
je veux qu’on m’insulte et qu’on me force à m’humilier
et même si je n’aime pas ça
c’est comme ça que je jouis
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Message par konsstrukt »

je ferme mon bureau à clef
devant l’ascenseur huit personnes attendent
l’ascenseur arrive
nous montons tous
il y a déjà quatre personnes à l’intérieur
l’ascenseur commence son trajet silencieux
je quitte l’immeuble
je marche avec la foule
je me rends à mon restaurant habituel
je m’assieds à la même table qu’hier
je commande un plat du jour
au cours du repas un homme se suicide en se tirant une balle dans la bouche
le vacarme est effroyable
tout se suspend dans la salle
moi aussi je cesse de manger
ma cuillère aux trois quart pleine de soupe de poisson est figée dans ma main
ma main est immobile entre l’assiette et ma bouche

***

SOIREE DE LANCEMENT DE LA REVUE FREAKWAVE LE 22 MARS AU POINT EPHEMERE :

voici le programme de la soirée :

17h45 : ouverture de la salle
18h : présentation de la revue freak wave
18h15 : dj wise
19h : sexandroïdes
19h40 : lecture konsstrukt : christophe siébert + olivier lelong
à 20h ça boucle et tout le monde dehors et retour à 21h pour le récital de costes (10€)

***

abattoir numéro quatre ne va pas tarder à sortir. pour le recevoir gratuitement, envoyer un mail avec son adresse à konsstrukt@hotmail.com
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Message par konsstrukt »

je balance quelques coups de poings dans le mur aussi fort que je peux
je m’éclate la peau des jointures mais je m’en fous
il faut que je me calme
j’avale une grande goulée d’air poussiéreux
j’ai encore le cœur qui bat trop vite mais il finit par ralentir un peu
mon stress baisse
il reste une angoisse sourde bizarre
comme si je savais qu’un truc horrible allait se passer et que je ne pouvais rien faire pour l’en empêcher
c’est comme si je n’attendais que ça mais sans avoir courage d’attendre vraiment
j’ai pas du tout envie de penser à ça
je ne sais pas quoi penser ça me rend fou cette histoire ça me rend marteau
ça prend toute la place dans ma tête ça bouffe tout ça bouffe tout le reste
ça m’empêcher de respirer de bouffer de baiser ça bloque tout j’en peux plus
il faudrait que je remonte mais je ne peux pas

***

la semaine prochaine : compte-rendu à la con de la soirée freak wave, avec en bonus, le reportage-photo du bonheur.

***

abattoir numéro quatre version papier ne va pas tarder à sortir. pour en recevoir gratuitement quelques exemplaires, envoyer un mail avec son adresse postale à konsstrukt@hotmail.com
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