La Rumeur en procès

Discussions sur les enjeux politiques et socio-culturels des musiques populaires ou savantes.

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La Rumeur en procès

Message par drÖne »

Le groupe de rap La Rumeur, poursuivi pour diffamation de la police par le ministère de l'intérieur, passait aujourd'hui 12 novembre 2004 en procès ( http://paris.indymedia.org/article.php3 ... icle=28530 ). A part Indymedia, je n'ai pas trouvé d'info aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, voilà le lien vers le texte qui a incité Sarkozy à poursuivre, au nom du ministère, un groupe de rap en justice. Les phrases mises en gras correspondent aux passages incriminés :

http://lmsi.net/article.php3?id_article=308

Bienvenue en République Populaire de France...

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Modifié en dernier par drÖne le 12 nov. 2004, 20:38, modifié 1 fois.
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Message par drÖne »

Ah, voilà des news (L'Express) : http://www.lexpress.fr/info/infojour/in ... 36&rub=fra
vendredi 12 novembre 2004
Procès du rappeur Hamé: la dénonciation des violences policières en question



© AFP
Le groupe de rap "La Rumeur" se produit le 1er mars 2004 sur la scène du Zenith à Paris
© AFP/Archives Martin Bureau
PARIS (AFP - 20:38) - Le procès du rappeur du groupe parisien "La Rumeur", Hamé, poursuivi vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris par le ministère de l'Intérieur, a tourné au débat sur la légitimité d'une dénonciation, même outrancière, des violences commises par la police.

Hamé, 29 ans, comparaissait sur plainte du ministère pour avoir, dans un fanzine diffusé parallèlement à la sortie d'un album du groupe en avril 2002, dénoncé "les humiliations policières régulières" infligées aux jeunes de banlieue.

Il est également prévenu de diffamation à l'égard des forces de l'ordre pour avoir écrit que "les rapports du ministère de l'Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu'aucun des assassins n'ait été inquiété".

Devant le tribunal, Hamé, calme et posé, a expliqué n'avoir pas voulu "faire de la police un bouc-émissaire". "Je dis juste qu'elle est l'un des éléments parmi d'autres qui empoisonnent la vie des quartiers populaires", a-t-il dit dans un salle d'audience archi-comble.

"La question des abus policiers doit être posée", a-t-il affirmé, assurant s'être référé aux expériences subies par "trois générations de populations immigrées encore vivantes" qui, du 17 octobre 1961 (manifestation d'Algériens violemment réprimée à Paris, ndlr) en passant par le décès emblématique de Malik Oussékine jusqu'à des bavures plus récentes, "ensanglantent la mémoire collective des quartiers populaires".

L'historien Maurice Rafjus, cité à la barre par la défense, a souligné que "175 décès des suites d'une intervention policière étaient survenus entre 1977 et 2002".

Parmi ces décès, "on trouve une majorité de jeunes d'origine maghrébine", a-t-il relevé.

Pour un autre témoin de la défense, Fabien Jobard, chercheur en sociologie au CNRS, le débat doit se focaliser sur "l'opacité de l'institution policière" concernant les bavures. "Comment s'étonner de l'outrance (du propos du rappeur, ndlr) lorsque de l'autre côté, on ne trouve que le déni ?", s'est-il interrogé.

L'avocat du prévenu, Maître Dominique Tricaud, a quant à lui vivement attaqué l'ancien ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, en poste lors du dépôt de la plainte.

"M. Sarkozy s'en moque, des policiers. Il a déposé cette plainte pour deux raisons: d'abord parce qu'il subissait la forte pression de syndicats de police d'extrême droite et d'autre part, parce qu'il voulait interdire que l'on parle des bavures parce que c'est un problème pour son plan de carrière", a-t-il estimé.

Rappelant le contexte dans lequel ont été rédigés les propos du rappeur - "une campagne électorale pour la présidentielle hystérique contre ceux qu'on appelle les jeunes à casquette" - Me Tricaud a demandé au tribunal la relaxe pour son client car "ce n'était plus l'outrance contre le déni, mais l'outrance contre l'outrance".

Le ministère public représenté par la procureur Sandrine Alimi-Uzan a implicitement requis la relaxe.

S'agissant du passage évoquant des "centaines de nos frères abattus par les forces de police", elle estimé que la diffamation était constituée, notamment en raison du caractère "globalisant" du propos mais que la bonne foi du prévenu "pourrait être retenue" car ses écrits se situaient dans le cadre d'un débat "pas illégitime".

S'agissant des "humiliations policières régulières", la diffamation n'est pas constituée, a-t-elle déclaré.

Jugement le 17 décembre.
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Message par drÖne »

Dans la série "interdisons, interdisons, il en restera toujours quelque chose", voici les paroles d'une chanson de Boris Vian interdite à l'époque pour des raisons semblables à celles de la censure de La Rumeur :

Dérouillade blues

Paroles : Boris VIAN
Musique : Henri SALVADOR
1979


Ah... J'étais assis sur les Champs Elysées
En train de boire un quart Vichy bien frais
Soudain je vois une bagnole s'arrêter
Il en descend trois malabars
Qui viennent me regarder sous l'nez

L'premier s'assied tout seul en face de moi
Il fait la gueule mais il ne l'ouvre pas
Et ses deux potes restent de son côté
Ils gardent les mains dans leurs poches
Je commence à me sentir gêné

Moi je gamberge à toute berzingue
C'est pire que la télé
J'ai beau chercher qui sont ces dingues
Je n'peux pas les r'pérer

Ils ont fini d'écluser leur godet
Çui qu'a l'air vache me fait signe de payer
Puis il se lève
En m'empoignant par le nez
Il me traîne jusqu'à la voiture
Et m'y installe d'un bon coup d'pied

On a été faire un p'tit tour au bois
C'est bourré d'flics, mais là y en avait pas
I'm'font descendre
Et m'entraînent dans une allée
Ils me passent un fameux tabac
Ça c'est pas d'veine, moi qui n'fume pas

Je suis couché dans l'herbe tendre
Avec le nez en biais
Ils fouillent mes poches, y a rien à prendre
J'ai juste un peu d'monnaie...

Voilà qu'ils regardent
Ma carte d'identité
Et là j'dois dire qu'ils ont l'air épaté
Ils se consultent
Et reviennent très gênés
En me disant... M'sieur Salvador
Excusez-nous, on s'est trompés...
On vous a pris pour un boxeur
Qui nous a séduit nos petites soeurs.


Note :
Chanson inédite de Boris VIAN publiée sur l'excellent album SALVADOR / VIAN de 1979.
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Message par drÖne »

Toujours sur le même thème édifiant du progrès de nos moeurs et de notre tolérance, en cette magnifique et époustouflante année sécuritaire 2004, voici que nous en sommes revenus au stade de la censure étatique sur des paroles de chanson. Rien de nouveau sous le soleil, puisque Vian, encore lui, était censuré dès 1954, pour cause de dénonciation de la guerre d'Indochine. N'empêche qu'aujourd'hui, qui se rappelle du nom du censeur de l'époque ? Qui croit encore qu'il a eu raison ?

Info trouvée là : http://www.historia.presse.fr/data/mag/ ... 03001.html

Le Déserteur

De tous ceux qui participent à la renaissance de la chanson politique dans les années 1950, Boris Vian est sans doute le plus corrosif. Et parmi les centaines de textes écrits par l'auteur de J'irai cracher sur vos tombes , Le Déserteur est celle qui provoque le plus grand scandale.

Ecrite en février 1954, mise en musique par Harold Berg, compositeur de jazz, elle est largement diffusée. En l'écrivant, Boris Vian pensait peut-être à la guerre d'Indochine, sûrement à la guerre en général, qu'il a toujours dénoncée. Sa lettre au président est d'ailleurs davantage une complainte qu'une provocation : le déserteur a perdu ses frères et son père. La guerre, il ne veut donc pas la faire :

Je ne suis pas sur terre

Pour tuer des pauvres gens

C'est pas pour vous fâcher

Il faut que je vous dise

Ma décision est prise

Je m'en vais déserter

Les derniers vers menacent :

Prévenez vos gendarmes

que je tiendrai une arme

et que je sais tirer.

Mouloudji les remplacera par :

Que je n'aurai pas d'armes

et qu'ils pourront tirer.

A ses débuts, la complainte est plutôt bien accueillie. Mais après la chute de Diên Biên Phu et le début de la guerre d'Algérie, la tournée de Boris Vian est entravée par des actions commando d'anciens combattants. En 1955, Paul Faber, conseiller municipal de Paris, obtient son interdiction de passage sur les ondes. Une censure à laquelle Boris Vian répondra avec son ironie habituelle : « Ma chanson n'est nullement antimilitariste mais, je le reconnais, violemment procivile. »
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